Plaidoyer pour un nouveau modèle agricole contre la logique de marché
Jadis terre paysanne par excellence, la France décline au fil des décennies pour tenter de conserver une part du gâteau dans la grande machine mondialisée. Il devient urgent de repenser notre modèle agricole. C’est ce que propose ici l’économiste David Cayla.
La France a longtemps connu un solde commercial agricole déficitaire. Durant la Seconde Guerre mondiale, et jusqu’en décembre 1949, les tickets de rationnement limitaient la consommation des Français. Ces restrictions ne prirent fin que grâce à des importations massives, en provenance notamment des États-Unis. Pendant les quatre années qui suivirent la fin des tickets de rationnement, le déficit de la balance commerciale agricole fluctuait entre -2,5 % et -3,5 % du PIB. Cette situation était insoutenable économiquement. Si la France voulait se reconstruire, il lui fallait d’abord parvenir à nourrir les 40 à 42 millions de Français qui vivaient sur son territoire, d’autant plus qu’on était en plein baby-boom. Les données de ce problème étaient bien connues des dirigeants. À l’aube des années 1950, l’agriculture française fonctionnait encore majoritairement sur le modèle de l’exploitation familiale paysanne. La plupart des fermes avait une production diversifiée qui associait élevage, culture céréalière et maraichage. Le modèle agricole français était plus ou moins resté celui de la révolution agricole du XVIIIe siècle. L’élevage produisait du fumier qui fertilisait les sols ; les cultures étaient diversifiées afin d’optimiser le temps de travail et de le répartir sur l’année ; on utilisait très peu d’intrants, peu d’engrais de synthèse et pas de pesticides ; rares étaient les fermes mécanisées et les tracteurs dans les campagnes.
Une stratégie de modernisation de l’agriculture
En 1950, les Surfaces agricoles utilisées (SAU) sont très importantes et représentent 72 % du territoire. La main-d’œuvre est pléthorique. En 1946, près de 35 % des actifs occupés travaillent dans l’agriculture (1). L’agriculture française contraste avec celle des pays anglo-saxons car aux États-Unis, la population active agricole ne représente que 16 % des actifs et elle n’est que de 5-6 % au Royaume-Uni. Comment de tels écarts étaient-ils possibles ? C’est que, contrairement à la...