ÉconomieFPContenu payant

Planète ou finance, il faut choisir

« Accumulez, accumulez, c’est la Loi et les Prophètes », écrivait Karl Marx pour dénoncer le capitalisme. Depuis les années 1980, cette dynamique honnie par le philosophe prussien s’est renforcée à la faveur de la financiarisation de l’économie. Et si ce phénomène expliquait, du moins en partie, la crise écologique que nous connaissons depuis le début du siècle ?

/2021/06/planete finance

Tout d’abord, rappelons ce qu’est la financiarisation : un processus de transfert de pouvoir. Au cours des quarante dernières années, les directeurs d’entreprises se sont vus confisquer des pans entiers de leurs prérogatives par leurs actionnaires. Or ces derniers, du fait de l’interconnexion croissante des différents marchés financiers aboutissant à un monde où tous les actifs sont immédiatement interchangeables, recherchent davantage le profit instantané. Voilà en somme le rêve de l’économie néoclassique réalisé ! Mais avec comme corollaire un rétrécissement dramatique de l’horizon économique. Ce que l’on appelle le « court-termisme ».

Le phénomène d’interchangeabilité, couplé à une liberté totale de circulation des capitaux, débouche non seulement sur une internationalisation, ou plus précisément une cosmopolitisation des acteurs économiques, mais avant tout sur des bulles spéculatives répétées et des déplacements dans une temporalité qui n’est plus celle du monde matériel. Les implications pour l’environnement peuvent être désastreuses. Car la qualité de l’eau, de l’air, de la terre et des contextes de nos habitats n’est que partiellement évaluable en des termes monétaires, tandis que structurellement, la financiarisation induit une préférence pour ce qui semble directement évaluable.

À cela s’ajoute un phénomène de manque de transparence. Voilà qui peut apparaître paradoxal : la financiarisation exige théoriquement que les états financiers des entreprises, censés permettre à chacun de faire un choix « éclairé », soient connus de tous. Mais la financiarisation conduit en fait à une opacité grandissante. Pourquoi ? Parce que l’interchangeabilité absolue des actifs et la sophistication croissante des produits financiers permettent aux acteurs de se positionner tant sur des marchés au comptant que sur des marchés à terme, tant sur des actifs réels (actions, obligations) que sur des dérivés de ces actifs, puis sur des dérivés de ces dérivés. Dès lors, la capacité à retracer les processus financiers se perd. Les banques elles-mêmes, et on l’a vu pour la...