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Proudhon, un socialiste en dissidence contre le dieu Marx

Bien que l’origine du mot soit attribuée au Français Pierre Leroux (qui l’aurait utilisée pour la première fois en 1834, Karl Marx avait alors 16 ans), la notion de socialisme a été au XIXe siècle principalement associée au marxisme et de ce fait, à la pensée d’outre-Rhin. Un penseur français a toutefois résisté à cette hégémonie allemande : Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865).

/2022/12/5_Proudhon


Pierre-Joseph Proudhon mérite d’être redécouvert. Ce Franc-Comtois d’extraction modeste, fils d’un tonnelier et d’une servante, qui passa son enfance à garder les vaches avant de se former comme typographe, a développé au fil de son œuvre une conception du socialisme bien particulière, renvoyant dos à dos le capitalisme et l’étatisme. Alors que les marxistes tendaient à vouloir étatiser la production, Proudhon pensait que cette transition de la propriété privée à la propriété publique n’allait pas au fond du problème puisqu’elle maintenait la dissociation entre le travailleur et son instrument de travail. Il préconisait pour sa part l’appropriation des entreprises par les travailleurs eux-mêmes. « Il ne s’agit pas de tuer la liberté individuelle mais de la socialiser », écrit-il. Pour Proudhon, l’enjeu est de mettre l’outil de travail entre les mains du producteur, les salariés accédant alors au statut d’associés et de copropriétaires, se partageant entre eux la survaleur générée par leur effort collectif mutuel, cet effort qui, justement, n’est pas rémunéré par le patron en régime capitaliste – où l’on voit qu’en 1840 déjà, avant même que Marx s’en saisisse, Proudhon s’en prend au problème de la plus-value. Son système, le mutuellisme, synthétise les idées de propriété et de communauté, prévoyant d’ailleurs des régimes distincts en fonction de la taille et de la nature des activités productives : petite propriété privée dans le domaine agricole et artisanal, collectivisation sous forme de coopératives dans le domaine industriel.

On comprend dès lors que Proudhon et Marx soient vite devenus irréconciliables. C’est en 1846-1847 que leur divorce idéologique est définitivement prononcé, avec la parution de leurs ouvrages respectifs Philosophie de la misère (pour le premier) et Misère de la philosophie (pour le second, répondant au précédent). « Lorsque Marx fustigeait son rival français, c’était d’abord pour lui reprocher sa mentalité étroite de paysan et son irrépressible...

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