Quand les écolos tuent l’agriculture : jalons pour la troisième révolution agricole
La nature vierge et le petit paysan de proximité. Deux images d’Épinal qui font plus de mal que de bien au monde agricole français. Pour Sylvie Brunel, il faut avant tout sauver le monde agricole français du fantasme et des griffes idéologiques des écolos urbains.
« Il faut changer de modèle agricole », c’est ce que répètent sans cesse les détracteurs de l’agriculture française. Beaucoup se complaisent dans une opposition binaire entre une petite agriculture familiale de proximité, qu’ils parent de toutes les vertus, et une grande agriculture qui serait forcément « productiviste », « industrielle », chasseuse de subventions, pollueuse et exploiteuse – de la main-d’œuvre, des milieux, et même du consommateur, qui serait trompé sur la qualité des produits qu’on lui vend, et donc forcément contraint de « bouffer de la merde », comme l’éructait jadis Jean-Pierre Coffe.
L’agriculture française reste petite et familiale
Rien n’est plus faux que cette prétendue opposition. Il n’y a pas en France les « petits », forcément vertueux, et les gros, forcément destructeurs. La réalité est, comme toujours, infiniment plus complexe et contrastée. L’agriculture française reste une agriculture familiale, qui parvient à associer quantité et qualité à travers une grande diversité de modèles, à la mesure de la diversité de ses terroirs, de ses filières, de ses marchés. Globalement, c’est une agriculture de petite taille : l’exploitation moyenne ne dépasse pas soixante-dix hectares. Nous sommes donc très loin des mégafermes du reste du monde, s’étendant sur plusieurs milliers d’hectares. Mais cette moyenne cache une disparité entre les vastes fermes céréalières de la Beauce ou de la Brie et les élevages de montagnes, entre les vergers et les oliveraies de la Drôme et du Gard et les élevages de porcs ou de poulets bretons. Exploitation familiale ne signifie pas forcément petite exploitation : dans les Landes de Gascogne par exemple, la difficulté du milieu naturel, marécage l’hiver, Sahara l’été, oblige les familles, qui se transmettent l’outil de travail sur plusieurs générations depuis les années 60, à aménager des centaines d’hectares, en drainant, en irriguant, en créant des systèmes de gestion très avancés, innovant sans cesse dans leurs méthodes de production. En...