Question sociale
La question sociale émerge lorsque les questions liées au travail, à la pauvreté et à l’exclusion (ce que l’on appelle alors le vagabondage) deviennent des objets politiques. Ce qui est considéré comme normal à une époque, et accepté par la société, devient petit à petit une situation inacceptable. La condition ouvrière, la précarité et la misère ne sont plus jugées comme une fatalité, relevant uniquement de la charité le plus souvent chrétienne, mais comme une injustice ou du moins un problème que la société demande au politique de prendre en charge. Selon le sociologue Robert Castel, cette question sociale qui émerge au XIXe siècle est un problème existentiel, autrement dit une « aporie fondamentale sur laquelle une société expérimente l’énigme de sa cohésion et tente de conjurer le risque de sa fracture. »¹ La question sociale a commencé à véritablement se poser en France avec l’essor de l’industrialisation. Elle naît de la prise de conscience d’une fracture sociale qui annonce le délitement de la nation, tant les conditions de vie et de travail d’une partie de la population sont indignes. Aujourd’hui, cette même question sociale ressurgit sous les coups de boutoir de l’explosion des inégalités et de l’abandon des principes et idéaux démocratiques et républicains. Elle se traduit par la désertion des processus politiques traditionnels (militantisme, élection) et par une révolte qui s’exprime dans la rue ou dans une méfiance croissante envers les élus et les institutions.
Au XIXe siècle, certains responsables politiques ont pris la mesure des conditions déplorables de vie et de travail des ouvriers. Horaires à rallonge, paies dérisoires, travail des enfants, absence de protection sociale et de service public de la santé, logements insalubres… Cette façon de traiter des hommes comme des bêtes de somme commençait à être perçue pour ce qu’elle était, à savoir une injustice individuelle...