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Regards sur les petites gens

« Je demanderai seulement qu’on distingue entre les petites gens et les gens du commun. La piétaille de Valmy, la piétaille de Mont-Saint-Jean, c’étaient de petites gens, mon ami, ce n’étaient pas des gens du commun. » Voilà ce que Péguy, dans son Dialogue de l’histoire et de l’âme païenne (1917, éd. Gallimard) fait dire à Clio, la muse de l’Histoire. L’expression « petites gens » prend ici une signification toute particulière : Péguy, élevé par sa mère veuve, rempailleuse de chaises, veut rendre hommage à ces humbles, « les petits, les obscurs, les sans-grade » – pour citer le magnifique passage de la pièce d’Edmond Rostand, L’Aiglon (écrite en 1900) – qui ont fait l’Histoire. Il faut leur rendre ce qui leur fait défaut par-dessus tout : leur place, leur poids, leur voix.

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Deux sociologues incontournables : Simmel & Sansot

Georg Simmel, Les Pauvres En poche éd. PUF, collection Quadrige [1907] Pierre Sansot, Les Gens de peu En poche éd. PUF, collection Quadrige [1991]

C’est avec Georg Simmel (1858-1918) que naît une « sociologie de la pauvreté » : penseur original, ce professeur de philosophie à l’université de Berlin porte son regard sur des sujets essentiels, qu’il aborde en défricheur. Ainsi, il écrit un essai brillant en 1908 sur la pauvreté (Les Pauvres). Ce court volume est intéressant parce qu’il étudie non pas la pauvreté en général (ni en termes seulement économiques), mais le statut social du pauvre : pourquoi notre regard constitue-t-il un individu en « pauvre » ? Simmel s’attache à étudier le lien, subtil, complexe, entre ceux qui sont définis comme pauvres et les autres membres du corps social. On peut lire ces pages en dialogue avec toutes les questions actuelles de l’assistanat, et surtout celles de la « nouvelle pauvreté », qui touche la France rurale et périphérique.

Pierre Sansot (1928-2005) est lui aussi peu connu, hélas : mais ce philosophe a préféré, dans sa vie comme dans son œuvre, les sentiers écartés aux avenues éclairées. Venu du peuple, fidèle à ses années d’enfance passées dans le Lot, il s’est attaché à l’étude des petits faits et des gens ordinaires. En 1992, son essai Les Gens de peu offre le tableau précis et suggestif des petits riens qui font l’existence quotidienne des gens simples et qui sont « de peu », comme on dirait « de mer » : le camping, le jeu de boules, le Tour de France, autant de signes qui font sens. Et qui font naître une moue condescendante chez « les gens (de) bien(s) », enfoncés dans leur racisme social systémique. Observateur empathique, Sansot explique ce(ux) qu’il aime, et nous fait comprendre les infimes rituels de la cérémonie populaire.

L’usine selon Weil, la...

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