Sondages, le grand bombardement
ENTRETIEN. À travers leurs enquêtes d’opinion et leurs essais à succès, Jérôme Sainte-Marie et Jérôme Fourquet décrivent une France en train de se recomposer. Et même s’ils ne dressent pas le même constat (Sainte-Marie diagnostiquant l’émergence d’un « bloc élitaire » transpartisan, quand Fourquet observe une « archipélisation » croissante du pays), ils défendent l’un comme l’autre leur métier de sondeur. Propos recueillis par Jean-Baptiste Roques.
F.P. : Le métier de sondeur est-il d’utilité publique ?
Jérôme Fourquet : Oui, je le pense. En faisant régulièrement le point sur les intentions de vote des Français, les instituts de sondage permettent aux citoyens de réfléchir et de se positionner en fonction du rapport de force politique en présence dans le pays. S’il était besoin de le préciser, j’ajoute que c’est une tâche que nous menons avec beaucoup de conscience professionnelle. Bien sûr, nul n'est obligé de croire à notre déontologie, mais nous sommes tenus à la plus grande rigueur du simple fait que nous œuvrons au cœur d’entreprises privées, avec des clients qui attendent en premier lieu que nous soyons aussi fiables que possible. Et les sondages d’intentions de vote sont en quelque sorte dans ce cadre une vitrine du savoir-faire de l’institut, qui a intérêt objectivement pour son image de marque à publier des sondages les plus conformes possibles aux résultats électoraux.
Jérôme Sainte-Marie : J’ajouterai simplement que les sondages politiques constituent ce que l'on peut appeler une information, c'est-à-dire qu'ils répondent au besoin légitime de chacun de connaître l'opinion des gens autour de soi. Plutôt que seul le pouvoir puisse disposer de telles données, l’égalité d’accès à ce type d’informations, dans un pays comme le nôtre, représente incontestablement un progrès.
F.P. : Que répondez-vous à ceux qui disent que vos publications n’aident pas les électeurs à voter en leur âme et conscience ?
JF : Simplement que l’on surestime le poids des sondages auprès des simples citoyens. Certes ils ont une influence, mais surtout auprès des appareils partisans, des journalistes et bien sûr des hommes politiques, en particulier au moment où ceux-ci hésitent à se présenter à une élection. Leur influence la plus grande est ainsi indirecte, et s’exerce surtout à l’orée de la campagne.
JSM : J’ai un exemple en tête qui...