On retient souvent de la leçon inaugurale de Roland Barthes au Collège de France, le 7 janvier 1977, la formule « la langue est fasciste ». Mais on oublie quelque chose, qu’il dit en passant et qui est plus intéressant, à savoir qu’étymologiquement, il y a une parenté entre saveur et savoir. Tous deux dérivent du verbe latin sapere, d’où vient aussi la notion de sagesse (sapientia). Le sage, c’est celui qui sait, mais c’est aussi celui qui sait goûter, dans tous les sens du terme, c’est-à-dire qui sait discerner, discriminer et distinguer. Goûter, c’est juger et juger, c’est toujours un peu goûter – on parle de jugement de goût. On retrouve cette idée dans le verbe italien assagiare qui ne veut pas dire (faux ami) « assagir », mais « goûter ». 

La raison (gourmande) populaire

Michel Onfray lance, comme on le sait, l’Université populaire de Caen (UPC) en 2002 en démissionnant de l’Éducation nationale dans la foulée pour proposer une réponse concrète à la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle. Dans l’esprit d’un Condorcet, il pense que dans une démocratie, le peuple qui vote doit être éclairé et éduqué. Le dispositif des universités populaires apparu au XIXe siècle au moment de l’affaire Dreyfus pour lutter contre l’antisémitisme lui semble pertinent à réactiver dans cette perspective. Dans le cadre de cette université populaire, Michel Onfray donne de façon bénévole de 2002 à 2019 des cours gratuits, ouverts à tous, sans inscription ni condition de diplôme. Il y enseigne sa fameuse Contre-histoire de la philosophie et le début de la Brève Encyclopédie du monde. Ces cours diffusés l’été sur France Culture battent des records d’audience en podcast. 

Ce mode d’éducation populaire, classique dans son format (une heure de conférence suivie d’une heure de questions du public), reste avant tout intellectuel : on est dans...