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Une humanité à deux vitesses : le transhumanisme et la question sociale

Une société à deux vitesses ? Les promoteurs du transhumanisme s’en défendent. Le progrès sera pour tout le monde. Mais pour Olivier Dard, ces belles déclarations d’intention ont toutes les chances de déraper en cours de route.

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Apparu sous la plume du polytechnicien et ingénieur économiste Jean Coutrot à la veille du second conflit mondial, le transhumanisme s’inscrit à l’origine dans la pléiade des projets régénérateurs de l’entre-deux-guerres qui aspirent à l’avènement d’un homme nouveau. Maître d’œuvre du Centre d’études des problèmes humains (CEPH), une préfiguration de la célèbre fondation pour l’étude des problèmes humains dite Fondation Carrel, Coutrot a posé les « bases du transhumanisme » dans le cadre d’entretiens tenus à l’abbaye de Pontigny en mai 1939. L’auteur de De quoi vivre se place délibérément dans une perspective évolutionniste en soulignant que l’homme s’est non seulement « transformé », mais qu’il est « transformable » et se « transformera ». Il mobilise également les thèses du père Teilhard de Chardin sur L’Énergie humaine en expliquant que le transhumanisme est un moyen d’unifier l’humanité sous la forme d’un « mythe » réputé être « formidablement mobilisateur ». Coutrot invite ainsi à dériver le sentiment religieux vers « le seul Dieu que nous pouvons peut-être encore adorer », « celui que nous présentons à travers notre espèce ».


Différence de nature


Le transhumanisme contemporain ignore le nom de Coutrot et fait remonter ses origines aux années 1950 et au biologiste Julian Huxley, dont le frère, Aldous, était un intime du couple Coutrot et siégeait au comité exécutif du CEPH. Articulé comme le transhumanisme coutrotien à une perspective évolutionniste, le transhumanisme actuel, tourné vers l’avènement de « l’homme augmenté » ou du « posthumain », privilégie la technologie pour aboutir au résultat escompté. Ses maîtres mots sont « améliorer », « réparer », « perfectionner », des termes couramment usités en matière de médecine ou de science. Ainsi entendu, le projet transhumaniste pourrait se lire comme une nouvelle étape du progrès et s’inscrire dans une forme de continuité dépourvue de toute nouveauté radicale, ce qui a conduit le médecin essayiste Laurent Alexandre à considérer qu’« il n’y aura que des différences de degré, mais pas...