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Vie & mort de la décence ordinaire : mode d'emploi

L'édito de Michel Onfray.

/2022/09/2_EditoMO


Dans Les Géorgiques, Virgile brosse le portrait d’un homme dont l'existence remonte à des milliers d’années avant sa naissance (en 70 av. J.-C.) et qui mourra 2 000 ans après lui, c’est-à-dire il n’y a pas bien longtemps : il s’agit du paysan, étymologiquement paganus, le païen.

Vivant séparés, puis en horde, les premiers hommes subsistaient grâce à la cueillette, à la chasse et à la pêche ; ensuite, ils inventèrent l’agriculture et l’élevage. Voilà comment l’on présente habituellement les choses dans l’esprit rousseauiste qui se fait fort d’écarter les faits ! Le nomade, qui chassait et pêchait, se serait donc trouvé un jour remplacé par le sédentaire, qui enclot le gibier et laboure sa terre. Voilà un schéma qui ravit la pensée rationnelle : des cases, un avant et un après, un semblant de logique qui se présente comme une vérité. Un jour, l’homme primitif cueille des baies, le lendemain, il installe une clôture, le surlendemain il produit des navets. Le lundi qui n’existe pas, il court après le mammouth avec sa lance, le mardi, il lui donne à manger du foin dans un herbage, le mercredi, il le tue, le jeudi, il le boucane avant de le manger en famille le vendredi et le samedi, puis de se reposer le dimanche d’une semaine aussi éprouvante.

C’est bucolique, mais idéologique. L’évolution n’est pas linéaire, mais anarchique, les choses ne se suivent pas sur le principe de la causalité et de la conséquence. L’homme de Cro-Magnon n’a lu ni Descartes ni Condorcet, encore moins Rousseau. Il n’a pas non plus feuilleté Darwin. Il résout les problèmes quand ils se présentent. Il réussit. Il rate. Il oublie. Il mémorise. L’un qui n’a pas trouvé est dépassé par l’autre qui découvre. La horde passe ici à côté de ce que la horde d’en...

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