Wokisme
Par Sami Biasoni.
Le terme woke prend racine dans les années 1930 aux États-Unis, sous la forme de l’injonction « stay woke » (littéralement, « restez éveillés ») reprise par divers auteurs et artistes noirs victimes du régime de ségrégation raciale prévalant alors. Il reste néanmoins peu usité durant plusieurs décennies, jusqu’à sa reprise sous la forme du mot-dièse #StayWoke par le mouvement Black Lives Matter1 en réaction à la mort par balles de Trayvon Martin en Floride en 2012, puis au décès tragique de Michael Brown dans le Missouri en 2014 lors d’une altercation avec la police. S’il est initialement destiné à mettre en lumière les personnes noires victimes de confrontations avec les forces de l’ordre, le terme se voit rapidement repris et amplifié par d’autres activistes des mouvements identitaristes pour progressivement prendre le sens plus large qu’on lui connaît aujourd’hui au travers de l’adjectif woke, qui désigne désormais tout individu « conscient » et engagé vis-à-vis de la cause des inégalités subies par les minorités (de race, de genre, de sexualité, etc.). Il fait son entrée dès 2017 dans le dictionnaire Oxford de langue anglaise sous cette acception, au moment où le terme « post-vérité » est – ironie du sort – également consacré afin de désigner ce qui a trait à des arguments politiques ou sociétaux non moins influencés par l’objectivité des faits que par la revendication d’un primat des émotions et des croyances personnelles. En France, il se popularise plus tardivement, dans le courant de l’année 2020, à l’occasion de la mort de George Floyd et de sa tentative de parallélisme par le comité Adama.
Une théorie du complot sans conspirateur
On ne saurait comprendre la post-vérité définie en ces termes sans envisager son lien avec la pensée postmoderne qui s’est développée à partir des années 1960, sous l’influence du courant philosophique de la French Theory, notamment...