Zones de non-droit
« Existe-t-il des zones de non-droit en France ? » avaient titré en 2016 certains journaux après l’agression au cocktail Molotov de policiers dans l’Essonne. Autant demander si la Terre est ronde en 2020. Les zones de non-droit ont en réalité explosé depuis trente ans, mais sans susciter un grand intérêt, et encore moins le sursaut politique d’envergure qui s’imposait sur cette question. Or le fait qu’existent dans un pays des territoires où les lois ne s’appliquent plus, et où la sécurité des biens et des personnes n’est pas en mesure d’être garantie, est une régression sans bornes qui nous ramène à l’image d’un Moyen Âge réduit à des temps obscurs où prendre la route était synonyme de danger et où la mort pouvait vous attendre au coin de la rue ; un monde où l’extérieur n’est pas le lieu du commun, mais celui de l’absence de règles, où l’État de droit est peu et où la force fait le droit.
La civilisation a fait naître la notion d’espace public, de patrimoine social ; elle a séparé le privé du public, le champ de l’intime et de l’intérêt personnel de celui du politique, afin que de l’homme naisse le citoyen. Le délitement politique et l’ensauvagement défont l’espace public au profit de l’appropriation clanique et créent les zones de non-droit. Sur ces territoires, il faut qu’il y ait un « Nous » et un « Eux », mais surtout pas de communauté nationale ni de peuple. Les phénomènes de relégation spatiale se doublent et se renforcent de phénomènes culturels dont le fonctionnement clanique est sans doute le plus révélateur. Ce qui caractérise la zone de non-droit est un mélange de chaos et d’hyperconformisme. En effet, dans la logique clanique, il n’y a pas de liberté de penser, de possibilité du choix, d’autonomie de la personne. Le groupe est...