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« Algocratie » : en route vers la servitude numérique

Grâce aux dernières technologies développées en Californie et en Chine, de puissants réseaux financiers et politiques tentent d’instaurer dans les pays industrialisés un nouvel ordre bureaucratique, reposant sur l’intelligence artificielle et limitant le jugement humain. Avec en ligne de mire rien moins que la disparition silencieuse de la démocratie.

/2022/06/15_Automatisation


Le 12 août 1908, l’industriel américain Henry Ford présenta la première voiture produite en grande série : le modèle T. Le fordisme était né. Étendu à toute l’industrie manufacturière, il déboucha sur une double révolution : la société de consommation et la mondialisation industrielle, qui furent les fondements de ce qui est communément appelé « le capitalisme mondialisé ». Pour encadrer cette modernité, une nouvelle politique fut proposée, avec pour objectif de permettre à chacun de s’insérer dans les nouveaux rythmes de ce monde nouveau. En rupture avec le laisser-faire de la période précédente, elle prit le nom de « néolibéralisme ». À la fin du XXe siècle, celui-ci fut à son tour bousculé par la révolution numérique, faisant basculer le monde dans un nouveau mode de régulation : la régulation technocapitaliste (1). Si cette « promesse » reprend le projet néolibéral « d’adapter » l’espèce humaine au contexte d’une vie accélérée, elle s’accomplit avec des moyens différents et beaucoup plus radicaux, visant à inclure chacun dans un système révolutionnaire que l’on peut nommer « la Grande Connexion ».

La transformation néolibérale

Il a fallu attendre la fin des années 70 pour que le projet néolibéral commence à se déployer dans nombre de pays occidentaux, en s’appuyant sur le droit et une bureaucratie juridique employés pour mettre en conformité les comportements à la norme sociale et économique. Cette idéologie se déploya au sein des administrations – sous le nom de New Public Management – pour devenir, dans les pays occidentaux, le paradigme de référence en matière de gestion publique. Introduite le plus souvent par des cabinets conseil anglo-saxons (comme le célèbre McKinsey), cette méthode de gouvernance visait à insuffler « l'esprit d'entreprise » dans l’appareil d'État en introduisant des logiques de marché, d’efficacité et de mobilité comme principes politiques. Ce programme postulait la légitimité d’un consumérisme applicable aux services publics, enjoints de privilégier le client...