Camp de consommation : une charge contre la malbouffe
Influence culturelle américaine, carcan eurocratique et idéologie du marché forment les trois têtes du capitalisme mondialisé, cet indécrottable cerbère. Il est le gardien de la malbouffe déversée par tonnes dans nos assiettes chaque année. Un cercle vicieux aux conséquences dramatiques.
Vital pour l’être humain, l’acte alimentaire, en tant que geste essentiel dépendant de la ressource planétaire, peut favoriser l’essor d’une civilisation comme engendrer son déclin. C’est parce qu’ils jouissaient d’un contexte géoclimatique prodigieux, bercé par la Méditerranée, consacré par la culture de la vigne et de l’olivier, que les Grecs purent s’émanciper du simple besoin de survie biologique et se poser la question du rôle de l’homme dans l’univers. Fruits de la terre et du travail de l’homme, symboles philosophiques de la vie et de l’esprit, le vin et l’huile d’olive ont porté l’hellénisation de l’Occident et façonné une agriculture à l’écoute de la nature. Au XXIe siècle, le fast-food et le soda, emblèmes de la malbouffe, contribuent à l’américanisation du monde. Donc à sa perte. Il convient ici de faire le distinguo linguistique entre le terme anglais food, qui signifie nourriture au sens de bouffe carburant, et le terme français alimentation, du latin alimentum, qui élargit la notion de nutriment au sensoriel, à la santé et au bien-être.
L’heure américaine
En 2024, la malbouffe n’est plus seulement une dérive de la société de consommation liée au pouvoir d’achat – ça, c’est la version lâche, disons social-démocrate du phénomène – elle est une extension socioidéologique du mode de vie américain à toute la planète, donc un fait politique. Fast-food et soda, deux agents, bien différents de l’agent orange, dont les ravages induisent une déforestation des consciences en vidant l’acte alimentaire de sa dimension culturelle et sociale, c’est-à-dire humaine. Fleurons de la junk food – ce plaisir coupable auquel on ne peut résister sans paraître réfractaire au progrès – ils détournent l’humanité de sa principale mission, protéger la terre. Fast-food et soda, dont les marques sévissent aux quatre points cardinaux, quel que soit le régime politique, la religion ou la déchirure...