Capitalisme
Mai 68 contre l'exploitation de l'homme par l'homme ? Ruse de la raison oblige, il se pourrait plutôt qu'il ait permis l'éclosion d'un "nouvel esprit du capitalisme".
En 1847, Karl Marx fait paraître sa Misère de la philosophie en réponse à la Philosophie de la misère de Joseph Proudhon : ce que le philosophe allemand reproche au penseur français, entre autres, est une forme d’idéalisme qui consiste à considérer le système économique indépendamment de toutes circonstances historiques, comme s’il pouvait être indifférent aux temps et aux lieux. Proudhon use de catégories simples et abstraites qui mènent à la formulation de lois éternelles sous lesquelles l’historien peut alors naïvement subsumer une série d’événements ou d’époques pourtant hétérogènes les uns aux autres. Le corollaire d’une telle critique est en premier lieu méthodologique et il consiste à historiser le fait capitaliste plutôt que d’y voir l’essence des rapports marchands qui caractériserait aussi bien, si du moins une pratique exista réellement, le « troc » des sociétés archaïques d’un côté et le trading à haute fréquence de l’autre.
Mais l’historicisation joue plus précisément à deux niveaux : elle concerne tout d’abord le capitalisme comme époque, elle s’applique ensuite au capitalisme lui-même car ses formes évoluent au cours du temps. Je dis un rapide mot du premier axe avant de développer plus avant le second qui se trouve en phase avec le thème de ce dossier. Le capitalisme est le système économique qui émerge, se développe et devient hégémonique au sein de la société industrielle, c’est-à-dire à partir de la fin du XVIIIe siècle. Pour le dire très rapidement, il se caractérise par l’accumulation infinie du capital permise par la généralisation de l’échange marchand. Le capitalisme industriel était toutefois marqué par la temporalité de l’investissement : les profits engrangés étaient certes importants, mais ils constituent surtout le levier du développement de l’entreprise qui passait par des projets industriels s’étalant sur des décennies, voire des générations. Le succès des entrepreneurs se mesurait alors à l’empreinte qu’ils laissent dans...