Clouscard (Michel)
Longtemps traité en chien crevé, le marxiste Michel Clouscard (1928-2009) a été le premier, en 1972, à décrire l’alliance historique en train de se nouer entre les libéraux et les libertaires.
Michel Clouscard est un sociologue et philosophe français, de filiation marxiste, dont l’œuvre fut l’objet d’une méconnaissance et d’un oubli qui ne laissent pas d’interroger. En dehors de quelques cercles marxistes réunis autour de la maison d’édition Delga dans laquelle parurent la plupart de ses livres, et aussi, plus étonnamment, du cercle soralien, comme en témoigne la publication de plusieurs ouvrages du philosophe aux éditions Kontre Kulture, force est de constater que Clouscard n’est guère lu, ni à l’université ni au sein de la frange cultivée du lectorat français. Parmi les causes de cette ignorance, voire de ce rejet, on peut tout d’abord pointer l’hermétisme de son style et de sa pensée, qui rend la lecture malaisée et oblige à un temps de digestion conséquent, critères qui tendent à contrarier le lecteur post-moderne ; et justement, sa condamnation radicale de la post-modernité me paraît le second élément explicatif : très tôt, Clouscard a montré toute la complicité entre la nouvelle forme du capitalisme et les pensées de la déconstruction, celles de Jacques Derrida, de Gilles Deleuze ou encore de Jacques Lacan, travail qui ne pouvait que gêner aux entournures ceux qui se prenaient pour des révolutionnaires mais étaient en fait appelés à prendre les commandes non seulement des campus de lettres et de sciences humaines mais également du capitalisme californien de la disruption.
L’expression forgée par Clouscard de « libéralisme libertaire », qui a connu un beau succès, traduit précisément cette nouvelle donne symbolisée par l’événement mai 1968 avec ses Serge July, ses Daniel Cohn-Bendit, etc. Mais une intelligibilité correcte de cette expression nécessite d’aller à l’articulation exacte de la pensée de la déconstruction et du nouvel esprit du capitalisme : il ne s’agit pas, en effet, de simplement montrer que des comportements désinhibés facilitent des modes de consommation inédits, car ce n’est là...