Le terme de « contre-culture » doit ici être appréhendé selon une double dimension, tout d’abord anthropologique, ensuite historique. Il ne s’agit donc pas de comprendre le vocable de « culture » comme un ensemble d’œuvres qui forme la trame spirituelle d’une civilisation, mais bien plutôt de l’entendre comme un ensemble de références et de significations partagées, à la façon dont les ethnologues l’utilisent pour décrire une tribu exotique dont ils cherchent à pénétrer le fonctionnement, les usages et l’imaginaire. Dès lors, une contre-culture est ce qui, au sein d’une culture dominante, apparaît comme une sous-culture, dont les orientations s’exercent dans un sens contraire aux principes de la culture principale. Par exemple, dans une entreprise, les syndicats représentent bien souvent la contre-culture. L’enjeu est alors dialectique : l’analyste doit en effet s’efforcer de saisir l’articulation entre culture et contre-culture, dans la mesure où la seconde continue d’être un sous-ensemble de la première tout en promouvant des valeurs qui y sont opposées. D’un point de vue cette fois-ci historique, la contre-culture qui mérite sa place dans un Abécédaire de mai 1968 est la contre-culture californienne des années 1960, laquelle est généralement connue, ou reconnue, comme « mouvement hippie », englobant une partie de la jeunesse née pendant le baby-boom, qui s’oppose aux valeurs traditionnelles de la société américaine. L’événement qui symbolise cette contre-culture est le Summer of Love, une expérimentation sociale qui se déroula à l’été 1967 à San Francisco, pendant laquelle un millier de jeunes personnes se réunirent pour vivre selon leurs aspirations. Mais justement : quelles sont-elles, ces aspirations ? Et que sont-elles devenues ?

Les hippies, maîtres du monde numérique

La contre-culture californienne prononce la critique de la société traditionnelle selon deux axes : le premier concerne la structure patriarcale, verticale et hiérarchique, qui est effective à la fois dans les familles et dans les entreprises, dans les écoles...