Geismar (Alain)
Alain Geismar (né en 1939) est un acteur important de mai 68. Maoïste intransigeant, le camarade de Serge July a voulu mettre à bas l’État, avant de travailler pour lui le reste de sa carrière.
Comment passe-t-on du maoïsme violent à soutien de Dominique Strauss-Kahn en moins de quarante ans ? Des cocktails Molotov aux cocktails tout court ? L’itinéraire d’Alain Geismar nous offre un bel exemple. Il y a presque deux biographies parallèles : celle de l’étudiant parisien, qui passe le baccalauréat de mathématiques, entre à l’école des Mines, en ressort ingénieur puis devient docteur en physique. Rien, dans le titre de sa thèse (« Phénomènes de transport dans le silicium de type n fortement dopé »), n’annonçait la dérive idéologique. Ça, c’est le côté présentable. Dans la rue, c’est une autre histoire. Il est déjà membre du CNRS dans les années 1966-1970, au moment de son activisme le plus violent. Sous la houlette du grand gourou Benny Lévy, Alain Geismar se prépare avec la Gauche prolétarienne à la lutte armée. Le 23 janvier 1970, Alain Geismar participe (avec le gépiste Olivier Rolin, chef de la Nouvelle Résistance populaire) à l’attaque du commissariat de Mantes-la-Jolie, cocktails Molotov et barre de fer à la main. L’objectif : poursuivre et ressusciter un mouvement digne de mai 68.
Il faut dire que la couleur avait été annoncée. Déjà, dans l’ouvrage Vers la guerre civile (1969), coécrit avec Serge July (voir « Serge July ») et Erlyn Morane (pseudonyme collectif sous lequel se cachent Herta Alvarez et Évelyne July), Geismar manie une rhétorique révolutionnaire qui n’a rien à envier à la préface de Sartre aux Damnés de la terre (1961) de Frantz Fanon en termes de bêtise. Les premières lignes donnent le ton : « En France, c’est le début d’une lutte de classe prolongée. Voici les premiers jours de la guerre populaire contre les expropriateurs, les premiers jours de la guerre civile. » Barbarie annoncée et souhaitée par les auteurs ? Oui, mais pas vraiment car le militant révolutionnaire est toujours un pur, jugez plutôt : « Contrairement au mercenaire,...