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L’État putanisé : le virus du "new public management"

Tuer la puissance publique de l'intérieur. Voilà à la fois le projet et le bilan du nouveau management public qui, en quelques décennies, a transformé l'État en marchandise.

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Au lendemain de la chute de l’URSS, aux quatre coins du globe, le management économique a remplacé le commandement politique. Vingt ans plus tôt, la vague managériale était partie des États-Unis, sa patrie d’origine. Diriger des individus et non des collectivités, rechercher la rentabilité même au sein de la sphère publique, se défier de ses employés comme de ses citoyens, voilà quelques-unes des ruptures inaugurées par cette révolution. Le management repose sur ce que l’on enseigne dans les business schools, sous le nom de « sciences de gestion ». Les principales composantes de cette discipline sont le marketing, la logistique, les ressources humaines, la stratégie, la comptabilité, la finance et le contrôle de gestion. Pris isolément, ces outils peuvent s’avérer pertinents. C’est la constitution de ce que l’on peut appeler un « paradigme managérial » qu’il faut interroger, et tout spécialement sa prise de pouvoir à l’intérieur de l’État.


Naissance du management scientifique


On ne comprend pas le management si l’on ignore qu’il répond, depuis l’origine, à une conception du monde social fondée sur le principe d’organisation scientifique (1). À l’origine de la prétention scientifique du management : des ingénieurs. Observer et mesurer la coopération d’une équipe pour améliorer son rendement, telle est l’idée du Français Henri Fayol. À la fin d’une carrière florissante à la tête d’une usine de charbon, cet ancien diplômé de l’École des mines livre ses observations (2) et explique que ses prouesses sont dues à la mise en œuvre de cinq impératifs : « Prévoir, organiser, commander, coordonner et contrôler. » Ces règles sont transposables n’importe où. Les sciences de gestion sont nées.

Les universités américaines n’ont rien inventé. Tout ce que l’on enseigne, par exemple à HEC ou à la Harvard Business School est né du côté de Saint-Étienne. Prévoir, organiser, coordonner et contrôler, bref gérer ou administrer sont des activités...