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La diplomatie : un art français en voie d'extinction ? – Grand entretien avec Hubert Védrine

La diplomatie n’est pas tant une tradition française que la projection de sa puissance dans l’histoire moderne. Si la France a toujours le troisième réseau diplomatique mondial, le temps de la grandeur semble passé. Pas de quoi dramatiser, nuance Hubert Védrine. La France a encore des cartes à jouer, pour peu qu’elle renoue avec le pragmatisme théorique et l’indépendance pratique.

/2023/06/5_Diplo


F.P. : On parle beaucoup de diplomatie comme une évidence du langage courant, sans se donner la peine de la définir. Pourriez-vous commencer par là et nous dire comment elle s’est codifiée avec le temps ?

Hubert Védrine : Pour l'essentiel, c'est l'art de la négociation, s'appuyant sur celui de la représentation et de l'influence. Cela a toujours existé sous une forme ponctuelle ou sporadique. La diplomatie a commencé à être véritablement codifiée à la Renaissance entre les cités-États italiennes, avant de se généraliser au monde européen et, finalement, sur l’ensemble de la planète.


F.P. : Richelieu, Vergennes, Talleyrand… Le français, langue de la diplomatie occidentale durant deux siècles… Comment expliquer cette tradition particulière de la France dans les relations internationales ?

Hubert Védrine : Il ne s'agit pas d'une tradition, mais de la projection de la puissance française dominante à partir de Richelieu, Mazarin au travers des traités de Westphalie, puis bien sûr Louis XIV, et Napoléon. Cela dure jusqu'à ce qu'en 1919, Clemenceau accepte que le traité de Versailles – qui règle et détermine les sanctions prises à l’encontre de l’Allemagne à l’issue de la Première Guerre mondiale – soit rédigé en français et en anglais. La Grande-Bretagne ayant dominé, il est vrai, l'Europe et les mers à partir de 1815. Le français est quand même resté la langue de référence de la diplomatie jusqu'à la Deuxième Guerre mondiale. Ensuite, l'anglo-américain, et plus exactement le globbish, a pris le dessus, jusqu'à tout submerger de nos jours, y compris en Europe.


F.P. : Nous avons encore aujourd’hui le troisième réseau diplomatique du monde, derrière les États-Unis et la Chine. Nous devrions être une puissance d’équilibre entre les grands blocs. Pourquoi notre voix porte-t-elle si peu ?

Hubert Védrine : La voix de la France porte encore, plus que ce que croient les Français. Mais, en effet, moins qu'avant. Comme...

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