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La France vire-t-elle à droite ? Entretien avec Guillaume Bernard

ENTRETIEN. Alors que la vie politique française a connu pendant deux siècles un glissement vers des idées et des formations toujours plus à gauche (phénomène appelé « sinistrisme » par Albert Thibaudet en 1932), l’auteur de La Guerre à droite aura bien lieu (éd. Desclée de Brouwer) se demande si nous ne vivons pas à présent un mouvement opposé, qu’il qualifie de « dextrogyre ».

/2021/11/10 france vire


F.P. : La distinction droite-gauche est-elle encore vivace dans l’esprit des Français ?

Guillaume Bernard : Quand ils sont interrogés, les Français sont de moins en moins nombreux à faire confiance à la droite ou à la gauche pour gouverner de manière efficace. Mais dans le même temps, ils acceptent encore très majoritairement de se situer à droite ou à gauche et, au sein de ces camps, comme modérés ou extrêmes. Le rapprochement des politiques menées par les forces politiques de droite ou de gauche dites de gouvernement, leur cohabitation à plusieurs reprises et, maintenant, la « grande coalition » macronienne ont, naturellement, dilué la perception du clivage. Il n’en demeure pas moins que la droite et la gauche restent des étiquettes d’identification politique. D’ailleurs, la stratégie du « ni droite ni gauche » de Marine Le Pen (ne prenant pas en compte les proximités doctrinales et les porosités électorales) a échoué. La droite et la gauche sont, à tort ou à raison, identifiées par des marqueurs autovalorisants : pour la gauche, c’est l’égalité, la laïcité et le progrès tandis que pour la droite c’est l’ordre, l’autorité et la tradition. Cela dit, il faut prendre en compte deux considérations essentielles. La première est que le clivage droite-gauche n’est qu’un moyen de classification, un instrument d’analyse (spatialement, il y a toujours ce qui est à droite et ce qui est à gauche) du réel. C’est ce dernier qui compte vraiment, pas l’instrument. La seconde, c’est qu’au cours de l’Histoire, les critères de délimitation de la droite et de la gauche ont changé en fonction des circonstances et des enjeux. Ce n’est donc pas parce que les critères encore en cours dans les années 1970 (libéralisme versus socialisme, répression versus prévention) ont disparu ou se sont émoussés qu’il n’y a plus moyen de distinguer droite et gauche, que le clivage...

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