F.P. : À quelle époque l’art culinaire a-t-il commencé à émerger véritablement en France ?

Dimitri Casali : C’est à Louis XIV que l’on doit l’élévation de la cuisine française au rang des beaux-arts. Sous sa royale impulsion, la gastronomie devient le miroir de notre identité nationale. Elle est même devenue une de ses caractéristiques principales pour définir notre pays et son art de vivre, et c’est ce modèle qui sert de référence au monde entier. Le règne du Roi-Soleil correspond, entre autres, à la date de parution de deux ouvrages majeurs. Tout d’abord, Le Cuisinier français, paru en 1651, plus ancien livre de cuisine avec des recettes codifiées, par François Pierre de La Varenne (qui sera constamment réédité) et Le Cuisinier royal et bourgeois de François Massialot, paru en 1691, date charnière. Ce dernier livre permet de mettre la cuisine gastronomique, créée pour l’aristocratie française, à la portée d'un plus vaste public. L'évolution des mentalités participe également à ce changement. Après la Renaissance, la prise de distance vis-à-vis des cadres religieux et culturels, désormais ressentis comme moins contraignants, libère les esprits et modifie profondément leur compréhension du monde. Enfin, une dernière explication, doublement hédoniste. Depuis Rabelais et son amour de la bonne chère, se développe en France une culture culinaire unique, basée sur une nourriture variée et de qualité. D'autre part, le repas devient un moment privilégié de la vie sociale, avec sa joie de vivre caractéristique et sa relative liberté. Car au-delà des plats, ce qui constitue le repas à la française, c’est la pratique sociale qui l’entoure : la convivialité, le plaisir du goût, le partage, l’association des vins.

F.P. : À partir de quand et pourquoi la cuisine française a-t-elle acquis une renommée internationale ?

DC : Cela se fait par étapes et par la renommée de nos grands chefs, véritables pères...