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La guerre des mémoires : entretien avec Driss Ghali

Que reste-t-il d’un peuple quand la communautarisation progressive dissout le sentiment d’appartenance nationale ? Que faire face au refus d’assimilation et aux reproches postcoloniaux ? Que faire face à la guerre des mémoires ?

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F.P. : Plus on s’éloigne historiquement de l’époque coloniale, plus le discours « mémoriel » postcolonial s’intensifie, comme si la décolonisation n’avait jamais eu lieu. Comment expliquer cet étrange paradoxe ?

Driss Ghali : Plusieurs facteurs expliquent l’étrange printemps postcolonial que nous vivons. D’abord, dans certains pays du Sud, continuer à accuser l’Occident de tous les maux est un attrape-nigaud qui fonctionne encore. Il permet de dissimuler l’incroyable échec politique, social et économique des élites de ces pays depuis les indépendances. Comme la crise s’intensifie dans ces pays, les lamentations mémorielles s’intensifient dans la même proportion (Algérie, pays du Sahel). En France et en Occident en revanche, l’émergence d’une forte jeunesse immigrée, binationale et très sceptique face à l’assimilation, est le principal combustible de la contestation postcoloniale. Victime d’un malaise identitaire, très souvent sous-estimé car incompris, cette jeunesse transfère sa frustration vers une mise en accusation « systémique » de l’homme blanc. Elle va aussi loin que s’approprier les traumatismes de ses aïeux qui ont effectivement connu la colonisation il y a soixante-dix ou quatre-vingts ans en Algérie, au Maroc ou au Mali.

Fort heureusement, toute la jeunesse immigrée n’est pas comme ça, mais un nombre suffisant d’immigrés sont contaminés et ils font beaucoup de bruit. Cette évolution sociologique et psychologique arrive à point nommé pour une classe politique progressiste qui ne cesse de remplacer la lutte des classes par la lutte des sexes et des races. Calcul électoralement payant au regard de l’impact de l’immigration sur la composition du corps électoral. Enfin, il y a suffisamment d’universitaires stériles pour investir ce domaine où ils sont sûrs de ne déranger aucun pouvoir établi. Au passage, ils mettent en scène leur bonne conscience en se préoccupant du sort des victimes « imaginaires » (car elles ne l’ont pas vécue) de la colonisation.


F.P. : Dans votre ouvrage Une contre-histoire de la...

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