Anachronismes, Baptiste Rappin

Penser contre l’air du temps, voilà ce que propose le philosophe Baptiste Rappin au travers de huit propositions analytiques de haute volée.

Le technocapitalisme qui a pris le pouvoir depuis la révolution industrielle mène le monde entier à la catastrophe. En ce sens, la modernité et l’idéologie du progrès qui la fonde possède un angle mort de taille. Dès lors, dans ce long couloir nihiliste où la perte de sens se confond à la lassitude civilisationnelle, et pour reprendre la vieille interrogation kantienne, que nous est-il permis d’espérer ? Il faut toute l’érudition (assez hallucinante, il faut bien le dire) de Baptiste Rappin pour nous mener sur les chemins de traverse de la pensée occidentale. C’est dans cette voie qu’il propose ses anachronismes, à prendre non pas au sens classique – celui qui constate et sanctionne l’incompréhension historique – mais au sens littéral de contre-courant. C’est un éloge du contre-courant auquel se livre le philosophe, et ce dans le but de se raccrocher à toutes les puissances de l’esprit susceptibles de desserrer l’étau technocapitaliste.

Huit trouées lumineuses

Huit chapitres structurent le livre, sans ordre chronologique, précisément pour prendre à rebours la linéarité logée dans toutes les philosophies de l’histoire dont le technoprogressisme contemporain n’est que le dernier et funeste avatar. Huit trouées lumineuses qui convoquent la biologie, la technique, la théologie politique, l’anthropologie, la métaphysique, l’histoire... et une foultitude de penseurs, parfois quasi inconnus. L’objectif est toujours le même : trouver des échappées possibles dans les rouages de la société industrielle et défendre « l’antique souci de la proportion » contre « l’obsession de l’efficacité en toutes choses », ce credo managérial de nos temps obscurs ou encore « le katechon de l’institution » contre « l’organisation, ce grand solvant cybernétique ». Tout ce qui peut enrayer, par la grandeur des réalisations humaines, « l’extension de la logique...