Union européenne
Désormais porte-drapeau du néolibéralisme, l’Europe est désespérément obsédée par ses critères de « rationalité », son prétendu « pragmatisme » et une conception à courte vue de la « performance ». Les citoyens, dans leur majorité, ne lui accordent plus guère de crédit. Comment a-t-on pu en arriver là ?
Pour ceux qui avaient vécu les déchirements de la Seconde Guerre mondiale, il semblait naturel de soutenir l’idée européenne avec ferveur. Mais, dès sa création, l’Union a abrité une tension politique avec les États membres et une tension culturelle avec les nations. Aux passions nationales, on préféra la raison. Aux récits nationaux, on opposa l’horizon de la modernité. Dans le choix fondateur figure l’idée selon laquelle l’avenir de notre continent passe immanquablement par l’affaiblissement de la nation au profit de l’Union : les composantes culturelles portées par la première doivent être progressivement remplacées par les valeurs (universalisme, paix, prospérité…) prônées par la seconde. Ces oppositions n’empêchèrent pas la réalisation de la première étape d’un magnifique projet d’union, car les facteurs historiques qui en sont à l’origine étaient alors très présents dans la mémoire des dirigeants, mais aussi et surtout dans celle des populations.
LE DÉCLIN DE L'UNION EUROPÉENNE
La chute du mur de Berlin a interrompu ce moment historique. À cette époque, les objectifs initiaux étaient en grande partie atteints et, sans que l’on s’en rendît compte, l’Europe devint un processus à rendement décroissant. La paix, la coopération, la modernité, la prospérité, les droits de l’homme, la démocratie sont désormais des réalités solidement établies, et de nouveaux progrès en la matière deviennent de plus en plus difficiles à envisager.
Conquise par les idées néolibérales, l’Union a dès lors voulu s’ériger en porte-parole de la société, de l’individu, du marché libre, d’une globalisation heureuse dans une Europe matérialiste qui se construirait imperturbablement, sans jamais tenir compte de l’avis des...