Viande cellulaire : le choix du pire
Face aux horreurs de l'élevage intensif, les écologistes politiques rêvent de viande cellulaire, sans animaux de ferme. Jocelyne Porcher montre l’enfer qui se cache derrière ces bonnes intentions.
L’émergence de l’agriculture cellulaire, en premier lieu de son produit princeps, la « viande cultivée » et son éventuelle prochaine expansion commerciale, met en lumière les positions paradoxales des associations et des théoriciens animalistes vis-à-vis de cette innovation. Leur consentement, et bien plus encore leur soutien actif à l’agriculture cellulaire, présentée comme une nouvelle révolution agricole, voire comme un tournant civilisationnel, est de fait et plus prosaïquement un consentement au capitalisme le plus prédateur, voire un enrôlement assumé pour sa permanence. Il s’agit uniquement d’en sortir les animaux, fût-ce au prix de leur disparition. L’embrigadement et le prosélytisme qui l’accompagne disqualifient le discours émancipateur et éthique qu’allèguent les animalistes et questionnent la légitimité de leurs alliances politiques, notamment avec Europe Écologie les Verts et La France insoumise.
Jusqu’à récemment, on trouvait sur le site cleanmeat.info, devenu cellag.org, la définition suivante : « L’agriculture cellulaire, ou Cell Ag en abrégé, est la science ou la pratique des produits animaux issus de cellules animales, plutôt que d’animaux entiers. Cela inclut, mais sans s’y limiter, les produits animaux destinés à l’alimentation tels que la viande, le lait et les œufs, ainsi que le cuir, la soie et la corne de rhinocéros. » Cette définition a été remplacée par celle-ci : « L'agriculture cellulaire (ou Cell Ag en abrégé) désigne le processus d'élevage de produits animaux réels (Process of farming real animal products) à partir de cellules et non d'animaux entiers1. » Ainsi, la science a été évacuée au profit de « l’élevage » et de la convocation du « réel ». Car ce sur quoi insistent les animalistes et les start-up, c’est l’authenticité du produit. La « viande cultivée » est de la « vraie viande ». Il n’y a aucune différence sauf celle, comme le souligne Mark Post, pionnier des recherches sur le sujet, que « la viande cultivée grossit en dehors de l’animal ». Elle est produite...