La gastronomie française au péril du copinage
Nous avons interrogé Michel Bruneau sur son parcours et sa vision du système de valorisation des chefs et restaurateurs. Le monde de la gastronomie français échappe-t-il aux tendances de l’époque ? Rien n’est moins sûr.
F.P. : Comment avez-vous commencé dans ce métier ?
Michel Bruneau : J'étais tout jeune et déjà, grâce à ma marraine qui n'était pas cuisinière mais couturière. Mes parents travaillaient en usine et c'est elle qui m’accompagnait tous les matins et venait me chercher à la sortie de l'école, vers les 4 heures. Je m'en souviens parce que chaque jour ou presque, il y avait un gâteau différent : un cake, des muffins, des sablés des gâteaux de grand-mère, comme on dit. Il paraît que je montais sur un petit tabouret devant le four en disant : « Fais voir marraine, ça cuit ? » D’aussi loin que je me souvienne, c’est sans doute là que tout a commencé, en tout cas cette vocation. Ensuite, à l'école, je travaillais moyennement, si bien qu’à l'âge de quatorze ans, j’ai renoncé aux études classiques. Je voulais cuisiner. J’ai fait l’école hôtelière, mais on ne cuisinait pas assez à mon goût, alors j’en suis parti pour entrer en apprentissage auprès d’un chef alsacien, M. Francis. J’ai gagné un peu de sous, acheté une Mobylette, puis j’ai fugué de Boulogne-Billancourt à Vallon-Pont-d’Arc, en Ardèche, à cuisiner avec une vieille cuisinière qui m’a appris plein de choses. Ce sont les gendarmes qui m’ont ramené chez moi en disant à mes parents : « Il a l’air bien ce petit, laissez-le faire son métier. » Et je me suis lancé dans le compagnonnage, d’abord au Grand Hôtel de Sète, avant de faire quelques villes françaises et de revenir en Normandie où je me suis formé auprès de plusieurs chefs.
F.P. : Avez-vous été reconnu toute de suite par la profession ?
Michel Bruneau : Il faut le temps. Je me suis marié en 1969 et j’ai repris la première Bourride à Évrecy de 1972 à 1982. Pendant cette période, j'ai appris non pas le métier de cuisinier que...