Les « élites », une minorité aux commandes de l'histoire ?
Si les avis sur Macron ne manquent pas, les analystes s’entendent pour considérer que la macronie forme un bloc élitaire idéologiquement minoritaire, mais efficace et organisé politiquement. Ce pouvoir élitaire est-il une anomalie statistique ou la manifestation d’un éternel retour ? L’historien Éric Anceau nous éclaire.
F.P. : En quoi consiste précisément une élite et qu’est-ce qui fait sa légitimité ou son illégitimité ?
Éric Anceau : Depuis qu’elle a été définie au Moyen Âge par Chrétien de Troyes ou Christine de Pizan, l’élite a pris deux formes, encore valables aujourd’hui. Elle est d’abord constituée par ceux qui exercent le pouvoir dans tous les domaines et par les différents cercles qui conseillent ce pouvoir et l’aident à prendre les décisions, mais elle définit également les meilleurs au sein d’un groupe déterminé, comme une profession.
Cette sélection se fait par les pairs et par la société globale. Il y a donc une part d’objectivité dans la notion d’élite, mais aussi une autre de subjectivité car bien évidemment, tout le monde ne s’accorde pas toujours sur le choix de ces meilleurs. S’ajoute le fait que, même l’élite du pouvoir, a priori plus facile à déterminer, peut être contestée en tant que telle. La question de la légitimité ou de l’illégitimité de toute élite est cruciale et de nombreux savants se sont penchés sur elle, en particulier Max Weber au tournant du XIXe et du XXe siècle, au moment du triomphe de la démocratie et de l’avènement de l’ère des masses.
En démocratie, des dirigeants peuvent être contestés et jugés illégitimes parce qu’ils ont été mal désignés, parce qu’ils n’appliquent pas le programme pour lequel ils ont été élus ou parce que le contexte modifie les conditions d’exercice de leur pouvoir, mais d’autres élites peuvent aussi être contestées ou jugées illégitimes parce qu’elles ne sont pas élues. On pense aux élites économiques ou à la technocratie, qu’il s’agisse de la haute fonction publique ou de certaines instances comme la Commission européenne et tous ceux qui gravitent autour d’elle.
F.P. : La Révolution est un moment charnière de notre histoire nationale. On dit parfois...